Régime fiscal des influenceurs en France : quelle fiscalité applicable ?
En France, le législateur est en train de construire un régime spécifique aux influenceurs, mais aucun n’est encore disponible et les règles encadrant le marketing d’influence sont nombreuses et se superposent. Dans l’attente, on vous explique l’état actuel de la réglementation des influenceurs.
En tant qu’influenceur, vous devez déterminer le pays où vous êtes fiscalement domicilié et qualifier fiscalement les sommes que vous percevez.
La domiciliation fiscale
Pour être imposable en France, il faut être résident fiscal français ou avoir des revenus de source française.
Vous êtes résident fiscal français si vous avez en France votre foyer ou lieu de séjour principal (183 jours par an minimum), votre activité professionnelle principale ou le centre de vos intérêts économiques (d’où provient la majorité de vos revenus).
Prenez par exemple le cas d’un influenceur résidant à Dubaï. S’il décide d’y établir une entreprise qui facture des services, il n’aura en principe pas à payer d’impôt sur les sociétés en France, même si ses clients sont français.
Cependant, si cette entreprise est entièrement contrôlée par l’influenceur et que tous ses revenus proviennent de France, les autorités fiscales pourraient considérer qu’il est un résident fiscal français, car son centre d’intérêt économique se trouve en France. Dans ce cas, il serait soumis à l’impôt sur les sociétés en France.
Vous pouvez aussi être résident fiscal d’un autre pays, mais devoir payer des impôts en France lorsque vos revenus sont de source française. Par exemple, lorsqu’ils proviennent d’activités professionnelles exercées en France, de prestations artistiques fournies ou utilisées en France.
Par exemple, si l’influenceur travaille à plein temps pour la promotion de produits pour une grande maison de haute couture dont le siège social est en France, qu’il soit résident français, suisse ou anglais n’entre pas en jeux, ces rémunérations versées par la société française seront soumises à l’impôt en France.
Régime fiscal des influenceurs en France : Qualification juridique de la relation influenceur – partenaire
Les contrats de prestation de services sont les plus courants. Entrent dans cette qualification les revenus exclus des catégories citées plus haut : de post production ou perçus lors de l’exploitation ultérieure du contenu par exemple. Les rémunérations ainsi obtenues sont imposables au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie de Bénéfices Non Commerciaux – BNC. Ils peuvent être soumis au régime fiscal dit micro ou réel.
Si vous faites la promotion de produits à travers un blog vous pouvez être tenus de vous immatriculer lorsque vous servez d’intermédiaire pour promouvoir, contre rémunération, les produits et services d’annonceur, à titre habituel.
À défaut de qualification précise du contrat conclu, ce dernier risque d’être requalifié en contrat de travail. La qualification de prestation de mannequinat et le statut d’artiste interprète entraînent une présomption de salariat. Les salariés bénéficient d’un faible abattement pour frais professionnel de 10% et vous êtes alors soumis en matière sociale au régime général des salariés. À noter que si vous n’êtes pas résident fiscal en France, vos salaires de source française peuvent être soumis à une retenue à la source de 12% à 20%.
Régime fiscal des influenceurs en France : Quel statut juridique choisir ?
La micro-entreprise est souvent recommendée. lle présente plusieurs intérêts. En micro, les obligations administratives sont les plus limitées : vous devez déclarer votre chiffre d’affaires mensuellement ou trimestriellement (au choix), en même temps que vous réglez vos cotisations sociales. Vous pouvez bénéficier de l’abattement forfaitaire de 34% pour les BNC, d’au minimum 305 €.
Par contre, le chiffre d’affaires annuel doit être inférieur à 77 700€ (2023). Aussi, l’assiette de l’imposition est le chiffre d’affaires et non le résultat, c’est-à-dire que les dépenses réelles ne sont pas prises en compte. Si vos dépenses réelles dépassent l’abattement de 34%, un autre statut serait plus adapté.
Si votre revenu fiscal de référence est inférieur à 26.070 €, vous pouvez bénéficier du versement libératoire : les taux d’imposition varient de 1% à 2,2% en fonction de l’activité pour le versement libératoire fiscal et de 6% à 22% (sauf si vous bénéficiez de l’exonération de début d’activité – ACRE)) pour le versement libératoire social.
Si vous souhaitez être imposé à l’impôt sur les sociétés, d’autres formes juridiques sont envisageables telles que l’EI, la SARL ou la SAS unipersonnelle.
Régime fiscale des influenceurs en France : Et la TVA ?
En principe, la T.V.A. est un impôt dû sur les prestations de services.
Par exemple :
Un créateur de contenu sur une plateforme réalise pour celle-ci une prestation de services soumise à T.V.A. Vous pouvez bénéficier de la franchise en base de T.V.A. si votre chiffre d’affaires (pour prestations de services) est inférieur à 36 800 €. Il faut alors faire figurer la mention : « Exonération de T.V.A., article ter 262 du CGI ».
Avec des cocontractants d’origines diverses et variées, il convient de se pencher sur les règles de territorialité de la T.V.A.
Dans les relations entre professionnels, aussi appelées BtoB, la T.V.A. est due dans le pays où le client est établi.
Une prestation de services réalisée par un professionnel résidant en France au profit d’un assujetti implanté dans ou hors de l’Union européenne n’est pas imposable à la T.V.A. française.
Si votre client est établi hors de l’UE : sur la facture indiquer « T.V.A. non applicable – art. 259-1 du CGI ».
Si votre client est établi dans l’UE : sur la facture porter la mention « autoliquidation » (facture HT). Alors le prestataire doit transmettre une déclaration européenne de services (DES) dans les 10 jours du mois suivant celui au cours duquel la prestation a été réalisé ou celui au cours duquel un acompte a été payé.
Régime fiscal des influenceurs en France : Quelles sont les étapes à suivre ?
Récupérer votre numéro de T.V.A. intracommunautaire
Les plateformes ayant leur siège social généralement hors de France et vos clients pouvant venir de tous horizons (ex : Youtube ou Google sont situés en Irlande, vos clients sont Allemands, Italiens ou Suédois), vous réalisez des prestations de services intracommunautaires (entre différents pays européens).
Vous devez donc récupérer votre numéro de T.V.A. auprès du Service des impôts des Entreprises (SIE).
Vous devrez indiquer votre numéro de T.V.A. intracommunautaire sur plusieurs documents :
- vos factures, avec les autres mentions obligatoires,
- vos déclarations d’échange de services, et l’enquête statistique (EMEBI), et l’état récapitulatif, une fois par mois, via le site gouv.fr (ou le formulaire Cerfa 13964*02),
- ainsi que sur vos éventuelles déclarations de T.V.A..
Quels sont les risques encourus en cas de mauvais suivi de vos obligations déclaratives ?
- Vous avez besoin d’un numéro de T.V.A. intracommunautaire pour rendre votre compte Adsense actif, donc pour recevoir les sommes dues de Google Irlande.
- L’absence de Déclaration Européenne de Services (DES) est considérée comme une fraude fiscale. Vos impôts seront majorés de 40 % pour un oubli volontaire, à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses, et vous vous exposez à des poursuites pénales.
- Ne pas déclarer son chiffre d’affaires à l’Urssaf vous expose à une pénalité de 750 euros, puis 750 euros par mois de retard. Lorsque vous êtes sous le statut d’auto-entrepreneur, il est obligatoire de déclarer vos CA, même quand votre chiffre d’affaires est nul.
- Vous pouvez toucher des revenus de Google Irlande sans présentation de facture en règle, mais attention, car en tant qu’auto-entrepreneur, la tenue de facture en règle est obligatoire en France. Une facture manquante ou erronée peut donner lieu à des sanctions lors d’un contrôle de l’URSSAF.
Actuellement, le droit reste dépassé par la pratique, comme l’illustre la fuite des influenceurs vers Dubaï, leur permettant d’échapper à tout ou partie de l’impôt en France. Toutefois, dans l’attente d’avoir des moyens plus adaptés, l’administration utilise les outils dont elle dispose déjà pour sanctionner certains comportements (domiciliation fictive notamment).
Enfin, de nouveaux concepts voient le jour, comme l’idée de se fonder sur la localisation des internautes et non plus de l’influenceur, et pourraient être adoptés par le législateur. C’est un sujet brûlant à suivre de près.
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